Saint-Denis : les sages-femmes au pied du mur

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La maternité de l’hôpital Delafontaine (Saint-Denis) est en ébullition. Suppressions de postes, conditions de travail insurmontables, les sages-femmes font face à une situation ingérable. État des lieux d’une institution en danger, symptomatique d’une crise profonde qui touche toutes les maternités de France.

Depuis le 19 mai, le personnel de la maternité de l’hôpital Delafontaine, à Saint-Denis (93) est en grève reconductible. La cause de leur colère : La direction de l’hôpital profite de la construction d’une nouvelle maternité dans l’enceinte de l’hôpital pour supprimer des postes cruciaux. En réponse, la grève s’organise depuis presque un mois. Cinq rassemblements, trois mille tracts et six séances de négociation plus tard, l’état des lieux dressé par les représentants syndicaux est inquiétant.

Une situation dramatique pour les patientes

Jeudi 9 juin, le personnel s’est réuni pour une réunion intersyndicale. L’occasion de dresser un état des lieux du mouvement de grève. Pour l’instant, les suppressions de postes n’ont pas encore été menées à bien, mais sur le terrain, les problématiques sont plus larges. « Ne nous emballons pas », relativise Marc Clerfayts, sage-femme syndiqué qui mène la discussion. Pas de sage-femme de nuit pour les grossesses à haut risque, des horaires et des conditions de travail insoutenables pour le personnel, seuls 50% des professionnels en arrêt sont remplacés… Résultat : l’accueil des patientes est en chute libre, la qualité des soins aussi.

« On ne peut pas accepter ça ! »

« C’est une manifestation locale, mais on a affaire à un problème à échelle nationale », note Chantal Birman, représentante de l’ordre des sages-femmes du 93. « Cette situation est schizophrénique. D’un côté, on nous demande d’améliorer la qualité des soins, de l’autre on fait en sorte que le personnel n’ait d’autre choix que d’être partout à la fois. C’est impossible ! » A Saint-Denis, le personnel de la maternité travaille avec une population en grande partie issue de l’immigration, ce qui demande une logistique toute particulière. « On a besoin de plus de temps pour le dialogue, ne serait-ce que pour être compris d’une femme qui ne parle pas français. Et on a encore moins de temps qu’ailleurs. » Les patientes en pâtissent, et les exemples ne manquent pas. « Au début de ma carrière, j’arrivais encore à faire des séances de relaxation aux patientes en grossesse à haut risque. », confie Marc Clerfayts. « Maintenant je leur donne des CD-roms ! »

Des conditions de travail insoutenables

Au quotidien, les conséquences de ce manque de temps et de moyens pèsent également lourd sur les sages-femmes. « La pause de vingt minutes toutes les six heures, on a jamais vu ça chez nous ». « C’est pas six minutes de pause toutes les vingt heures ? », plaisante une sage-femme. Cette situation est d’autant plus culpabilisante. « A la fin de la journée, on se dit toujours ‘Si j’avais eu plus de temps, j’aurais pu mieux faire’. », raconte Chantal Birman. « Sauf qu’à la maternité, on donne des soins qui marquent une vie, qui ne peuvent pas être rattrapés. On ne peut pas accepter ça ! »

Ces contradictions, qui rendent le travail du personnel de l’hôpital de Saint-Denis de plus en plus ingérable, viennent avant tout d’un souci économique. Une sage-femme nous explique : « Ce qui rapporte à l’hôpital, c’est les séjours de moins de cinq jours. Sauf que pour les grossesses à haut risque, les patientes peuvent avoir besoin de rester jusqu’à deux mois. En fait, pour l’hôpital, il faudrait qu’elles accouchent toutes prématurément ! »

La discussion s’achève sur une question de Chantal Birman, qui ne cache pas son inquiétude : « En cas d’incident grave, qui est responsable ? La sage-femme qui s’occupait d’une autre patiente, faute de personnel ? »

Si les mesures attendues n’arrivent pas, les sages-femmes se réuniront pour une manifestation régionale samedi 18 juin.

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