Polémique Elisabeth Badinter : Au sein du conflit

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Philosophe, écrivain, figure historique du combat féministe dans les années 70, Elisabeth Badinter dénonce aujourd’hui l’allaitement comme un nouveau moyen de ramener les femmes à la maison. Débat.

Elisabeth Badinter poursuit le combat. Dans son essai Le conflit, la mère et la femme, elle s’inquiète d’un relâchement du combat féministe et de l’inquiétant retour de la domination masculine, de plus en plus acceptée chez les jeunes.

D’après la philosophe, la société actuelle aurait tendance à réduire les femmes à des mères, et rien d’autre. Commence alors pour elles une quête du chef d’œuvre, de la mère parfaite et de l’enfant parfait, impossible à atteindre et forcément frustrant.

Ces dérives seraient en partie un effet pervers de la contraception : « On est passé du don à la dette. Puisque bébé n’a pas demandé à naître, la mère lui doit tout son temps, son énergie et son lait. Deux solutions : rentrer à la maison pour être une mère parfaite ou ne pas avoir d’enfant ». Une idée qui découragerait bien des femmes à ne pas faire d’enfant. Dans les pays où la mère est « vénérée » (le Japon ou l’Italie et son inégalable Mama), le nombre de naissance diminue.

Mère nature et « ayatollahs de l’allaitement »

C’est autour de l’allaitement maternel que Badinter fixe sa colère (et sa communication). La mère qui allaite, c’est aussi la mère qui reste à la maison, ce qui arrange bien les hommes, surtout dans une situation de crise où l’emploi se fait de plus en plus rare.

Fini les produits de substitution, la mère parfaite de 2010 ne fait plus confiance qu’à son corps. La femme est-elle un Homme comme les autres ?  « Je suis contre cette écologie qui fait reculer les libertés de la femme. L’argument nataliste interdit la diversité des désirs féminins, comme si on était des mammifères babouines !».

La société entière (docteurs, pédiatres, sages-femmes, médias…) forcerait les femmes à l’allaitement en jouant sur la culpabilité : comment une femme peut refuser de donner le meilleur à son enfant ? Sans contester la supériorité et les bienfaits du lait maternel face au lait artificiel, Badinter dénonce une campagne outrancière qui enlève aux femmes le droit de choisir.

Cible numéro 1 de la philosophe, la Leche League (LLL). L’organisation, créée dans les années 50 pour soutenir les femmes souhaitant allaiter, aurait depuis « dérivé ». Certains évoquent une radicalisation dans les années 70, au moment où de plus en plus de femmes abandonnent le foyer pour travailler : on aurait alors encouragé les femmes à sacrifier leur métier pour s’occuper de leur enfant. Presque considérée comme secte par Badinter, la LLL a rapidement répondu via un communiqué, se revendiquant comme une association « apolitique et non confessionnelle, fournissant aux femmes qui le désirent une information objective, étayée par l’expérience de nombreuses mères et les données scientifiques les plus récentes. » Leur crédo : des informations, pas des diktats. 

L’allaitement, symbole de l’inégalité homme/femme ?

« Le biberon a été un objet moteur de l’égalité des sexes à l’intérieur des familles » rappelle Badinter. Le retour de l’allaitement marque-t-il le retour de la femme/mère, seule à pouvoir s’occuper de nourrir bébé… et par la même seule responsable de toute la maison ?

Pour Edwige Antier, pédiatre et député UMP, ce que Badinter n’a pas compris, c’est que les aspirations des femmes ont changées depuis les années 70 : « Elle croit se battre pour libérer les femmes. L’allaitement n’est pas une contrainte mais une envie. Une mère allaitante ne se sacrifie pas pour son enfant. Elizabeth Badinter est dans un déni de la maternité, son féminisme a deux trains de retards ».  

Le propos de Badinter pourrait nuire aux femmes plus que les aider : nombreux sont les patrons qui seraient heureux de voir les femmes revenir plus tôt au travail ! Solution envisageable pour réconcilier la mère nourricière et la working girl : un allongement du congé de maternité jusqu’à six mois, temps d’allaitement minimum préconisé par l’OMS depuis 2002. 

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